Le TSABORAHA – une coutume betsimisaraka
Les Betsimisaraka – littéralement « les inséparables », – sont une ethnie occupant la Côte Est de Madagascar, depuis la région de Mananjary (sud-est) jusqu’à Sambava Nord.
Comme toutes les autres ethnies qui existent à Madagascar, les Betsimisaraka ont leurs propres us et coutumes, comme par exemple le To-Laza (la circoncision), ou encore le Tsaboraha qui se déroule le jour de la Toussaint, la fête des morts.
Je vais vous parler ici du « Tsaboraha ». Il existe en général deux raisons de célébrer cette fête traditionnelle : premièrement pour le retournement des morts, et deuxièmement pour le « Tsikafara » ou les vœux.
Le Tsaboraha dont je vais vous parler ici, est le retournement des morts.
Bien sûr, les autres ethnies pratiquent aussi cette coutume, comme les Merina, par exemple, qui le nomment le « famadihana », mais chaque ethnie a sa propre façon de le célébrer.
Les Betsimisaraka ne font pas cette fête quand ils le veulent. En effet, il faut attendre l’appel du « razana » (le ou les ancêtres, les personnes déjà décédées) : le razana vient dans les rêves des personnes les plus âgées de leur famille, par exemple le grand-père ou la grand-mère, en disant qu’ils ont froid et qu’il faut les couvrir. Ce n’est qu’à ce moment-là que toute la famille peut commencer à préparer la fête.
Tout d’abord, la famille fait plusieurs réunions pour décider ce qu’ils vont faire : fixer la date, les participations (les contributions) de chacun, etc. Elle fait aussi appel aussi aux membres de la famille qui sont loin … Ensuite on consulte le « mpanandro » qui détermine la date, (le mpanandro est une personne qui connaît le bon jour ou « andro tsara » pour faire une fête traditionnelle). En général, c’est toujours le samedi que le mpanandro choisit. Parfois la famille précipite un peu la date, afin de réaliser rapidement la volonté des razana. Elle fait tout le nécessaire pour réussir cette fête : une partie de la famille donne des zébus pour le sacrifice, d’autres de l’alcool, y compris l’alcool local « le betsabetsa », du riz et également de l’argent, tout cela s’appelle « Tômbagna ».
La famille désigne alors trois personnes pour aller dans chaque maison des gens du village qui leur semblent proches afin de les inviter à cette fête, ceci s’appelle « Toro jiry ».
En route pour la fête : en bateau, à pied, en voiture !
Voici venu le temps de la fête et.. d’aller dormir au cimetière !
Toute la famille qui habite loin arrive le jeudi précédant la fête.
Le vendredi matin tout le monde se rend au cimetière pour le « modimandry », c’est-à-dire « dormir là-bas ». En effet, toutes les personnes vont dormir au cimetière, dans de petites cabanes faites de « ravinala » construites une semaine avant la fête ; on les appelle des « trano mitso » ou maisons vertes. Et c’est là que la fête commence : tout le monde danse, boit en chantant des chansons traditionnelles. Ce jour-là, un zébu est abattu et sa viande accompagne le riz, on appelle ce zébu le « rò n’angivy ». Vers 3h ce matin-là, une partie de la famille s’est levée tôt pour faire sortir tous les « razana » (les dépouilles) de leur « fasan-drazana » (tombe), en chantant des chants traditionnels et en buvant aussi, les femmes portent les « lamba » ou « simbo » (les linceuls neufs offerts par la famille et les proches).
Les dépouilles sont séparées : les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, il ne faut jamais les mélanger ! Une petite cabane (une des maisons vertes) a été réservée pour les allonger sur des nattes déjà étalées. C’est que toute la famille leur met leurs « nouveaux vêtements » ou couvertures (les lamba ou simbo).
Le samedi matin, les hommes vont chercher les zébus au champ, suivis de nombreux voisins ou amis qui chantent pour les amener au cimetière (parfois la famille tue 5 zébus ou plus, ça dépend d’eux et de leurs moyens financiers). C’est cela, la tradition.
Les « Tangalamena » (des personnages que l’on appelle prêtres de village) font des discours en parlant la joie de la famille d’avoir réalisé cette fête et en remerciant tout le monde d’y avoir assisté. Les hommes font ensuite tomber les zébus devant eux, un Tangalamena invoque les ancêtres, et l’on tranche la tête des zébus offerts en sacrifice. Leur sang est recueilli dans un seau, et le Tangalamena en arrose tout le tour de la tombe d’où ils ont sorti les razana. La fête est très conviviale et les femmes ne cessent de chanter des chants traditionnels.
Vers midi, il est temps de faire retourner les razana dans leur tombe. Tout le monde, y compris les invités, va se battre pour obtenir les nattes – ou du moins une partie d’entre elles – sur lesquelles les razana étaient allongés. En effet, elles sont censé porter bonheur ! Les hommes referment ensuite la tombe et y posent toutes les têtes des zébus sacrifiés. La famille partage alors la viande entre tous les invités, et le soir tout le monde rentre au village… Mais la fête continue encore chez la famille qui a fait ce magnifique Tsaboraha !
Une belle occasion de renforcer les liens familiaux !
Cette fête traditionnelle est une occasion pour toute la famille de se rencontrer, se réunir et de raffermir les liens de parenté. Sans oublier qu’il s’agit aussi d’une opportunité de partager la boisson traditionnelle « le betsabetsa », ainsi qu’un repas avec les villageois. En un mot, une tradition très vivace chez les Betsimisaraka !
Betsy