tourisme Madagascar 1939

CHAPITRE IV (extraits de Madagascar, la grande île, publié 1939)

LE TOURISME

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Madagascar est une terre a enchantement pour le touriste. La richesse de sa flore, la fougue, l’exubérance de la végétation de ses plaines orientales, les sites captivants de ses montagnes, la grandeur morne de quelques-uns de ses plateaux, le surgissement de ses cités pittoresques et colorées, l’éclat de ses couchers de soleil, les caprices de la mer qui bat ses côtes y offrent, aux yeux et à l’imagination du voyageur, des attraits sans cesse renouvelés. Il n’est pas jusqu’aux vestiges du passé d’une population déjà arrivée, avant l’occupation française, à une sorte de demi-civilisation, qui ne soient de nature à exercer sur lui une certaine puissance de séduction.

Dans l’ouvrage : Images et Réalités coloniales (Images et Rèalités coloniales, par Gaston PELLETIER et Louis ROUBAUD, avec des bois gravés de Robert Saldo. Edition André Tournon, 257, rue Saint-Honoré, à Paris.), dont nous citerons plusieurs passages, au cours de ce chapitre, il est dit, fort justement, que « grâce à la merveilleuse route que suit le chemin de fer, le voyageur peut avoir, en un seul jour, une idée générale de l’aspect du pays. En quittant, le matin, l’intense végétation du littoral, on arrive, le soir, à 1.400 mètres d’altitude, sur les plateaux rouges de l’Emyrne au milieu de monts arides, égayés cependant par la verdure des rizières ».

Un visiteur moins pressé sera toutefois bien inspiré de quitter, à l’occasion, routes et chemins de fer qui conduisent surtout aux centres les plus importants, aux villes les plus connues. Il aura intérêt à utiliser le « filanzane » malgache, à recourir aux services des « bourjanes ». Les « bourjanes », — les porteurs de Madagascar, — sont, contrairement à ce que l’on pourrait penser, heureux de leur sort. Sauf chez les peuplades encore barbares, où l’usage du costume est presque ignoré, ils sont vêtus de lambas blancs, sortes de péplums qui leur donnent l’allure de statues antiques, et coiffés crânement, sur l’oreille, de chapeaux à larges bords. Ce sont de bons enfants en qui on peut avoir la plus entière confiance. Escaladant des pentes périlleuses, traversant des rivières au courant dangereux, ils ont, à l’instar des mules, le pied sûr et accomplissent leur tâche avec autant de bonne humeur que de bonne volonté.

Le principale excursion à tenter à Madagascar est, tout de même, celle qui a pour objet la capitale du pays. On y accède parmi les fleurs : « daturas, lilas de Perse, mimosas, roses trémières sont les bordures ordinaires des chemins ». Et voici alors le spectacle qui frappe le regard :

« La cité royale, la capitale de l’île, Tananarive (Antananarivo), la grande ville rouge aux mille « guerriers », dresse à flanc de montagne ses bizarres villas construites en terre durcie, ses jardins charmants et ses hautes terrasses. Comme une couronne, au sommet, le palais en deuil de la dynastie hova, — le Manjakamiadana, — marque encore à sa vieille horloge l’heure fatale du départ pour l’exil de la dernière reine. Le boulet français qui, en 1895, sonna le glas de la reddition, a laissé, au faîte de l’édifice, la trace de sa blessure. Une construction de pierres recouvre entièrement l’antique palais de bois. Sur la grille d’entrée, un grand aigle de bronze, souvenir de Napoléon III, déploie ses larges ailes. Non loin de là, le petit palais d’argent où le premier ministre recevait autrefois les ambassadeurs et le palais de Manampisoa, ancienne demeure de Ranavalona III. Entre le Palais d’Argent et la Chapelle de la Reine, l’inimaginable case en bois à toiture détone d’Andrianampoinimerina, petite habitation barbare jusqu’à la sauvagerie, qui, sur cette terrasse, au milieu de ce groupement de constructions inspirées par notre civilisation et baptisées du nom pompeux de palais, garde bien à elle seule le caractère véritable des mœurs malgaches. »

Il faudrait pouvoir s’arrêter aux autres monuments de Tananarive : ils sont nombreux. Il faudrait réserver un instant d’attention à ses tombeaux, si curieux, à tant d’égards, aux débris de ses « rovas », vieilles fortifications, comme on en rencontre encore dans les bourgades de l’Imerina. Il faudrait, enfin, avoir le loisir de promener son regard sur l’horizon lointain « où deux lacs mettent le reflet de leur miroir bleu » où s’aperçoit, à l’Ouest, « l’émeraude des rizières », où au contraire se discerne, à l’Est, l’aspect « désertique d’un bouleversement volcanique ». Mais il y a, à Madagascar, d’autres villes et d’autres centres d’excursion.

Assise sur un mamelon verdoyant et bien abritée contre le dur vent d’Est, il y a, par exemple, à vingt kilomètres de Tananarive, Ambohimanga, la ville sacrée : « L’ombre des grands arbres contenus dans ses remparts garde toute l’histoire de son mystérieux passé. Elle fut le berceau de la monarchie hova et la maison d’Andrianampoinimerina, vide aujourd’hui, conserve encore l’allure ancienne, ne serait-ce que par les sculptures sur bois précieux, qui en font les principaux ornements et qui rappellent l’art arabe primitif. Un peu du caractère mystique d’Ambohimanga, cependant, a disparu, depuis le transfert dans le « rova » de Tananarive des corps des rois qui y furent ensevelis. Ce transfert avait été jugé indispensable par le général Gallieni pour couper court à une légende malgache qui voulait que la terre provenant de ces sépultures procurât l’invulnérabilité. Or, cette légende servait de base à toutes sortes d’intrigues auxquelles se heurtait notre civilisation. Les tombeaux en ruine sont demeurés derrière la maison royale, avec la pierre sainte que le souverain régnant avait seul le droit de toucher. A l’Ouest de ces tombeaux, se trouvent les vestiges du lieu des sacrifices, où l’on immolait les bœufs destinés, le jour de la fête du fandroana, à être envoyés aux douze collines sacrées. C’est à cet endroit que, pour célébrer le culte des ancêtres, oh adressait, à leurs mânes, des prières et des vœux. Non loin de là, dans une fosse carrée, étaient parqués les bœufs sacrés. »

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Dans cette même région centrale de Madagascar, au pays des cratères éteints, on rencontrerait encore le lac ltasy. « Le monstrueux caïman y fait contraste à la grâce divine de l’aigrette, aux grandes ailes rosées des flamants. Les pirogues des pêcheurs s’avancent prudemment sur cette nappe dangereuse, au milieu de laquelle pullule tout un peuple de poissons. » On y trouverait, également, en amont du petit village de Ramainandro, les chutes fameuses du Kitsamby. On visiterait enfin, à une faible distance du mont Vohitra, au voisinage de lacs nombreux et d’un pittoresque varié, le Vichy malgache, la ville d’Antsirabe, célèbre par ses eaux thermales.

Surtout, il serait impardonnable de négliger, sur la route d’Antsirabe à Fianarantsoa, Ambositra. C’est la ville des roses. Dans cette heureuse cité, « elles envahissent tout. Elles parfument tout, les haies, les jardins, les maisons. Elles donnent, à cette petite ville étagée, la grâce exquise et fraîche d’un bouquet. Tout est en gradins dans ces parages, même les rizières. La campagne est remarquable par ses nombreux menhirs, dont chacun porte son histoire, et par ses forêts de tapia, asiles du « landibé », araignée à soie du pays. »

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Que d’autres spectacles à contempler à Madagascar, Dans le district de Vatomandry, au village de Saivazama, au milieu d’un paysage tourmenté, solitaire et grandiose, il y a, sur la rivière Manandra, un pont naturel de 50 mètres de long qui forme une arche grandiose et excite au plus haut point l’admiration du visiteur. Un voyageur anglais, M. Kestell Cornish, écrit à ce sujet : « Lorsqu’on se tient sous le pont, dont la largeur est colossale, et qui ne le cède en rien à tout autre beau spectacle de la nature, on aperçoit deux superbes cascades surmontées d’une falaise boisée de chaque côté de la gorge. L’effet de l’ensemble défie toute description. » Un autre voyageur anglais, M. Baron, dit, de son côté : « C’est réellement une des vues les plus merveilleuses et les plus pittoresques que l’on puisse imaginer. Il est évidemment difficile de comparer avec un autre phénomène naturel de cette espèce ; mais, si le pont et ses alentours étaient situés dans les Iles Britanniques, sa réputation ne serait certainement pas hors rang avec la grotte de Fingal (Fingal’s Cave) et la « Chaussée des Géants ».

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Au nord de l’île, la région de Diégo-Suarez a, elle aussi, tout ce qu’il faut pour captiver l’attention du touriste. Il y a d’abord à voir la rode de Diégo elle-même, la plus vaste du monde, après celle de Rio de Janeiro, et où la France possède une position militaire de premier ordre. Il y a à contempler les panoramas magnifiques qui se dédoulent sous le regard des hauteurs de la montagne d’Ambre. Il y a à parcourir la belle plage d’Orangéa, à visiter la Mer des Coraux à marée basse : « La limpidité et la clarté de l’eau sont telles que l’on distingue les moindres détails du fond ; il semble que tous les objets sont vus à travers un fin cristal. C’est un splendide aquarium, un paysage féerique. Les nombreux polypiers sont roses, bleus, vert tendre, violets, rouges, rutilants même, jaune, gris, etc. Toute la gamme des couleurs y est représentée, toutes les formes de ces curieux animaux existent. »

La Mer des Coraux ne possède pas seulement des polypiers. « Toute une faune y vit et évolue : poissons, crustacés, holothuries, oursins, étoiles de mer, etc… A la surface, ce sont les nageurs de haute mer : requins gris clair, anguilles de mer aux verts reflets, carangues irisées et gracieuses, marsouins prenant bruyamment leurs ébats, sardines poursuivies par des mouettes, goélands aux ailes lanche », poissons volants traversant la surface des flots. » Dans toute la région, il y aura, en outre, à visiter des lacs, des falaises en forme de château fort, des grottes comme celles de l’Ankara, des chutes d’eau comme celles du Mahavavy.

En ayant recours, selon de savantes combinaisons, au filanzane, à l’automobile, au bateau, au chemin de fer, sans parler de la marche à pied, le touriste peut, à Madagascar, satisfaire, sous des formes très diversifiées, sa légitime curiosité et enrichir son imagination de magnifiques visions.

 

LE VOYAGE (extraits de Madagascar, la grande île, publié 1939)

Choix d’un itinéraire. — Pour bien voir Madagascar, il faudrait, débarquant à Majunga, en faire toutes les escales (par les lignes annexes des Messageries Maritimes) et rayonner autour d’elles, puis, repartant de Majunga, traverser l’île du Nord au Sud, revenir sur Tananarive et aller prendre, à Tamatave, le paquebot pour la France.

Mais cet itinéraire (peu recommandable aux voyageurs craignant la mer) serait de très longue durée, et il ne faut pas négliger que le débarquement et l’embarquement dans les rades foraines de la côte Est sont souvent difficiles, parfois impossibles, en raison des barres.

L’itinéraire conseillé ci-après donnera une vue d’ensemble suffisante de la grande île ; il a l’avantage de réduire au minimum les traversées et convient mieux aux voyageurs disposant d’un temps limité :

De Majunga, à Tamatave, par le paquebot venant de France (escales : Nosy-Bé, Diégo-Suarez) ;

De Tamatave à Tananarive, par le chemin de fer ou par la route ;         |

En auto, de Tananarive à Mananjary, Fianarantsoa, Tuléar, Fort-Dauphin, Ihosy, Farafangana, Ihosy, Tananarive ;

De Tananarive à Majunga, en auto.

Ce programme peut être facilement réalisé en trois mois à compter du départ de Marseille.

Époque du voyage. — La meilleure époque pour visiter la colonie est la saison fraîche, d’avril à novembre ; la douceur de la température (Tananarive, de 6° à 23° ; Tamatave, de 14° à 26° 3) rend les déplacements peu pénibles et permet même les excursions à pied (chasse). Par ailleurs, durant cette période (sèche dans la plupart des régions), toutes les routes praticables aux automobiles sont en très bon état.

C’est donc au printemps qu’il conviendra de s’embarquer pour Madagascar ; le mois d’avril — pendant lequel la traversée de la Mer Rouge est supportable — est particulièrement indiqué pour le départ du touriste qui désire voyager aussi confortablement que possible.

Préparation du voyage. — Retenir sa place sur le paquebot un mois à l’avance (Compagnie des Messageries Maritimes, 13, boulevard de la Madeleine, à Paris, et 3, place Sadi-Carnot, à Marseille; Nouvelle Compagnie Havraise Péninsulaire de Navigation, 10, rue de Châteaudun, à Paris).

Se faire ouvrir un compte dans une des banques qui sont une succursale ou une agence dans la colonie ; le banques permettent, en général, l’usage des lettres de crédit..

Constituer deux gardes-robes : l’une pour les hauts plateaux (vêtement demi-saison, pardessus léger, smoking de drap, chapeau de feutre, sous-vêtement de tricot), l’autre pour la côte (complet et smoking de toile blanche, costumes de toile kaki, manteau imperméable), casque colonial, en liège, à bords larges, ceinture de flanelle, lunettes à verres fumés ou teintés en jaune. En-cas, préservant de la pluie comme du soleil.

Si l’on a l’intention de camper en dehors des centres, se pourvoir d’un lit de camp avec matelas en kapok et moustiquaire, d’une cantine-popote avec ustensiles de cuisine, vaisselle, bouteille filtrante, thermos, photophore… d’une table et d’une chaise pliante, d’un seau.

Les chasseurs feront bien d’emporter des munitions, qu’on ne peut se procurer que dans les principaux centres.

Les amateurs de photographies devront également avoir leur approvisionnement de plaques ou films, s ’ils ont un appareil de format peu courant.

Il sera bon d’avoir une petite trousse de pharmacie, en vue de tournées en pays écarté des villes (quinine, aspirine, teinture d’iode, alcali, élixir parégorique, laxatifs, coton hydrophile, ouate thermogène, etc…)

Agencer ses bagages de façon à ne pas avoir de colis pesant plus de 25 kilos, pour le cas où, au hasard des excursions, il faudrait avoir recours au portage à dos d’homme.

Budget de voyage. — Les dépenses occasionnées par un voyage à Madagascar (séjour compris) ne peuvent être fixées que très approximativement. Abstraction faite du prix de la traversée, on peut estimer la dépense journalière d’un touriste moyen à 100 francs. Cette dépense s’élèvera dans des proportions assez importantes si l’on fait, seul, de grandes courses en automobile particulière.

Prix du voyage sur les paquebots des Compagnies de navigation desservant Madagascar (port de débarquement Tamatave) :

1° En 1er classe, sur paquebot des Messageries Maritimes, le prix du billet est de 12.589 fr. 50 ; en 2e  classe 9.421 fr. 50 ; en 3e classe 5.225 francs ; en 4e classe (pont) 4.402 francs. La Compagnie Havraise Péninsulaire de Navigation effectue également un service régulier. Ses tarifs sont sensiblement les mêmes que ceux des Messageries Maritimes avec la différence toutefois que les 1re classes de la Compagnie Havraise correspondent aux 2e  classes des Messageries.

Pour le retour, réduction de 25 % sur le prix de la traversée.

Ces prix ne sont donnés qu’à titre d’indication, et ils ont pu subir des modifications. 11 importe donc de se renseigner auprès des Compagnies de Navigation.

Une fois par an, la Compagnie des Messageries Maritimes organise une croisière à Madagascar, à la Réunion, à Maurice. Le coût de ce voyage, qui dure deux mois était en 1938 de 15.000 francs en 1re classe et de 12.000 francs en 2e classe.

 

HOTELS-RESTAURANTS (extraits de Madagascar, la grande île, publié 1939)

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Il n’y a pas, à Madagascar, d’hôtels de grand luxe.
Majunga. Diégo-Suarez, Tamatave, Tananarive, Antsirabe et Maevatanana sont actuellement dotés d’établissements bien tenus (prix variant de 40 à 50 francs par jour pour la chambre et la pension sans vin ; le prix de la chambre est majoré pour le voyageur qui ne prend pas ses repas à l’hôtel).
Des hôtels de deuxième ordre existent dans les villes énumérées plus haut, ainsi que dans les centres ci-après :
Comores: Dzaoudzi et Mutsamudu;
Région de Diégo-Suarez : Ambilobe;
Région de Tamatave : Tampina, Brickaville, Anivorano, Vatomandry
Région de Tananarive : Moramanga, Andreba, Ambatondrazaka, Manjakandriana, Mahitsy, Ankazobe, Arivonimano, Miarinarivo, Soavinandriana, Tsiroanomandidy, Faratsiho Region de Fianarantsoa: Ambositra, Ambohimahasoa, Fianarantsoa, Ambalavao, lfanadiana, Mananjary, Manakara;
Région de Tuléar : Tuléar, Manja, Morombe; Région de Fort-Dauphin: Fort Dauphin, Betroka, Ihosy, Ivohibe;
Région de Morondova Morondava, Belo-sur-Tsiribihina, Maintirano;
Région de Majunga : Marovoay, Port-Bergé, Mananika, Andriba, Mahatsinjo.
Dans tous ces hôtels, la cuisine n’offre rien de particulier ; elle est à peu près la même qu’en France.
Il n’existe pas de stations classées dans la colonie et il n’est perçu de taxe de séjour dans aucun centre.
M. Léon Cayla, en vue de favoriser le développement de l’industrie hôtelière à Madagascar a pris, à la date 20 juin 1934, un arrêté attribuant des primes qui varient selon l’importance des améliorations apportées par les hôteliers dans leurs établissements en ce qui concerne les conditions d’hygiène et de modernisme.